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sant le serment, privé du traitement, chassé de l’église, et élevant autel contre autel, dans quelque chapelle clandestine ou en plein champ. Ces deux ministres du même culte s’excommuniaient l’un l’autre : l’un au nom de la constitution, l’autre au nom du pape et de l’Église. La population se partageait entre eux, selon l’esprit plus ou moins révolutionnaire de la province. Dans les villes et dans les pays possédés de l’esprit nouveau, le culte constitutionnel s’exerçait presque sans partage. Dans les campagnes et dans les départements dévoués aux traditions, le prêtre non assermenté devenait un tribun sacré, qui, du pied de l’autel ou du haut de la chaire, agitait le peuple et lui soufflait, avec l’horreur du sacerdoce constitutionnel et schismatique, la haine du gouvernement qui le protégeait. Ce n’était encore ni la persécution ni la guerre civile, mais c’étaient leurs préludes certains.

Le roi avait signé avec répugnance, et comme contraint, la constitution civile du clergé ; mais il l’avait fait uniquement comme roi, et en réservant sa liberté et la foi de sa conscience. Il était chrétien et catholique dans toute la simplicité de l’Évangile et dans toute l’humilité de l’obéissance à l’Église. Les reproches qu’il avait reçus de Rome, pour avoir ratifié par sa faiblesse le schisme en France, déchiraient sa conscience et agitaient son esprit. Il n’avait pas cessé de négocier officiellement ou secrètement avec le pape, pour obtenir du chef de l’Église ou une indulgente concession aux nécessités de la religion en France, ou de prudentes temporisations. Il ne pouvait qu’à ce prix retrouver la paix de son âme. Rome n’avait pu lui concéder que sa pitié. Des bulles fulminantes circulaient, par la main des prêtres non assermentés, sur la tête des populations, et ne