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devant les difficultés de cette œuvre. Au lieu d’une émancipation, ils firent une transaction avec la puissance du clergé, les influences redoutées de la cour de Rome, et les habitudes invétérées du peuple. Ils se contentèrent de relâcher le lien qui enchaînait l’État à l’Église : leur devoir était de le rompre. Le trône était enchaîné à l’autel, ils voulurent enchaîner l’autel au trône. Ce n’était que déplacer la tyrannie, faire opprimer la conscience par la loi, au lieu de faire opprimer la loi par la conscience.

La constitution civile du clergé fut l’expression de cette fausse situation réciproque. Le clergé fut dépouillé de ces dotations en biens inaliénables qui décimaient la propriété et la population en France. On lui enleva ses bénéfices, ses abbayes et ses dîmes, féodalité de l’autel. Il reçut en échange une dotation en traitements prélevés sur l’impôt. Comme condition de ce pacte, qui laissait au clergé fonctionnaire une existence, une influence et un personnel puissant de ministres du culte salariés par l’État, on lui demanda de prêter serment à la constitution. Cette constitution renfermait des articles qui attentaient à la suprématie spirituelle et aux priviléges administratifs de la cour de Rome : le catholicisme s’inquiéta, protesta. Les consciences furent froissées. La Révolution, jusque-là exclusivement politique, devint schisme aux yeux d’une partie du clergé et des fidèles. Parmi les évêques et parmi les prêtres, les uns prêtèrent le serment civil, qui leur garantissait leur existence ; les autres le refusèrent, ou, après l’avoir prêté, le rétractèrent. De là, trouble dans les esprits, agitation dans les consciences, division dans les temples. La plupart des paroisses eurent deux ministres : l’un, prêtre constitutionnel, salarié et protégé par le gouvernement ; l’autre, réfractaire, refu-