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devoir, tels sont nos vœux, tels sont les vôtres, Sire : les bénédictions des Français en seront le prix. »

Cette journée rouvrit le cœur du roi et de la reine à l’espérance : ils crurent avoir retrouvé un peuple. La Révolution crut avoir retrouvé son roi. Les souvenirs de Varennes parurent ensevelis. La popularité eut un de ces souffles d’un jour qui purifient le ciel un moment et qui trompent ceux-là mêmes qui ont tant appris à s’en défier. La famille royale voulut du moins en jouir et en faire jouir surtout le Dauphin et Madame : ces deux enfants ne connaissaient du peuple que sa colère ; ils n’avaient aperçu la nation qu’à travers les baïonnettes du 6 octobre, sous les haillons de l’émeute ou dans la poussière du retour de Varennes. Le roi voulait qu’ils la vissent dans son calme et dans son amour, car il élevait son fils pour aimer ce peuple, et non pour venger ses offenses. Dans son supplice de tous les jours, ce qui le faisait le plus souffrir, c’étaient moins ses propres humiliations que l’ingratitude et les torts du peuple. Être méconnu de la nation lui paraissait plus dur que d’être persécuté par elle. Un moments de justice de la part de l’opinion lui faisait oublier deux ans d’outrages. Il alla le soir au Théâtre-Italien avec la reine, Madame Élisabeth et ses enfants. Les espérances du jour, ses paroles du matin, ses traits empreints de confiance et de bonté, la beauté des deux princesses, la grâce naïve des enfants, produisirent sur les spectateurs une de ces impressions où la pitié se mêle au respect, et où l’enthousiasme amollit le cœur jusqu’à l’attendrissement.

La salle retentit d’applaudissements à plusieurs reprises, quelquefois de sanglots ; tous les regards tournés vers la loge royale semblaient vouloir porter au roi et aux prin-