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deux jours, elle se donne à elle-même de honteux démentis ! Toute autorité qui mollit est perdue, à moins qu’elle n’ait l’art de masquer sa retraite et de reculer à pas lents et insensibles, et de faire oublier ses lois plutôt que de les rétracter. L’obéissance n’a que deux ressorts : le respect et la crainte. Tous deux sont brisés à la fois par une rétrogradation brusque et violente comme celle de l’Assemblée. Peut-on respecter ou craindre un pouvoir qui plie sous l’effroi de sa propre audace ? L’Assemblée a abdiqué en n’achevant pas tout ce qu’elle a osé. Toute révolution qui n’avance pas recule, et le roi est vainqueur sans avoir combattu. »

De son côté le parti révolutionnaire, rassemblé le soir aux Jacobins, déplorait sa défaite, accusait tout le monde et récriminait. « Voyez, disaient les orateurs, quel travail souterrain s’est fait dans une nuit ! quelle victoire de la corruption et de la peur ! Les membres de l’ancienne Assemblée, mêlés dans la salle aux nouveaux députés, ont été vus soufflant à l’oreille de leurs successeurs toutes les condescendances qui les ont déshonorés. Répandus, le soir, après la séance, dans les groupes du Palais-Royal, ils ont semé l’alarme, parlé d’un second départ du roi, pronostiqué le trouble et l’anarchie, et fait craindre à ce peuple de Paris, qui préfère sa fortune privée à la liberté publique, la disparition de la confiance, la rareté du numéraire, la baisse des fonds publics. Cette race vénale résiste-t-elle jamais à de tels arguments ? »

L’âme de Paris respirait tout entière le lendemain dans l’attitude et dans le discours de l’Assemblée. « À l’ouverture de la séance, je me plaçai, dit un jacobin, parmi les députés qui s’entretenaient des moyens d’obtenir la révoca-