Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique et un héros. Elle le grandit de tous ses rêves pour qu’il fût à la hauteur de son idéal. Elle lui enrôla des prôneurs, elle l’entoura d’un prestige, elle lui créa une renommée, elle lui traça un rôle. Elle en fit le type vivant de sa politique. Dédaigner la cour, séduire le peuple, commander l’armée, intimider l’Europe, entraîner l’Assemblée par son éloquence, servir la liberté, sauver la nation, et devenir, par sa seule popularité, l’arbitre du trône et du peuple, les réconcilier dans une constitution à la fois libérale et monarchique, telle était la perspective qu’elle ouvrait à elle-même et à M. de Narbonne.

Elle alluma son ambition à ses pensées. Il se crut capable de ces destinées, puisqu’elle les rêvait pour lui. Le drame de la Révolution se concentra dans ces deux intelligences, et leur conjuration fut quelque temps toute la politique de l’Europe.

Madame de Staël, M. de Narbonne et le parti constitutionnel voulaient la guerre ; mais ils voulaient une guerre partielle et non une guerre désespérée, qui, en remuant la nationalité jusque dans ses fondements, emporterait le trône et jetterait la France dans la république. Ils parvinrent, par leur influence, à renouveler tout le personnel de la diplomatie exclusivement dévoué aux émigrés ou au roi. Ils remplirent les cours étrangères de leurs affidés. M. de Marbois fut envoyé auprès de la diète de Ratisbonne, M. Barthélemy en Suisse, M. de Talleyrand à Londres, M. de Ségur à Berlin. La mission de M. de Talleyrand était de faire fraterniser le principe aristocratique de la constitution anglaise avec le principe démocratique de la constitution française, qu’on croyait pouvoir pondérer et modérer par une chambre haute. On espérait intéresser