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sionomie impériale des derniers césars, à l’époque de la décadence des choses et des races : la douceur d’Antonin dans l’obésité de Vespasien ; voilà l’homme.


X

Ce jeune prince avait été élevé dans une séquestration complète de la cour de son aïeul. Cette atmosphère qui avait infecté tout le siècle de Louis XV n’avait pas atteint son héritier. Pendant que Louis XV changeait sa cour en lieu suspect, son petit-fils, élevé dans un coin du palais de Meudon par des maîtres pieux et éclairés, grandissait dans le respect de son rang, dans la terreur du trône et dans un amour religieux du peuple qu’il était appelé à gouverner. L’âme de Fénelon semblait avoir traversé deux générations de rois, dans ce palais où il avait élevé le duc de Bourgogne, pour inspirer encore l’éducation de son descendant. Ce qui était le plus près du vice couronné sur le trône était peut-être ce qu’il y avait de plus pur en France. Si le siècle n’eût pas été aussi dissolu que le roi, il aurait tourné là son amour. Il en était venu jusqu’à ce point de corruption où la pureté paraît un ridicule, et où on réserve le mépris pour la pudeur.

Marié à seize ans à une fille de Marie-Thérèse d’Autriche, le jeune prince avait continué jusqu’à son avénement au trône cette vie de recueillement domestique, d’étude et d’isolement. Une paix honteuse assoupissait l’Europe. La