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dernière conclusion, car tous étaient inspirés par l’amour des hommes, sans distinction de classes.

Les affiliations se multiplièrent à l’infini. Le prestige, comme il arrive toujours quand le zèle brûle, s’ajouta frauduleusement à la vérité, comme si l’erreur ou le mensonge étaient l’alliage inévitable des vérités et des vertus même de l’esprit humain. On évoqua les siècles, on fit apparaître les ombres, on entendit parler les morts. Les visions furent le dernier secret ; les apparitions, le dernier miracle de ces sectaires. Ils hallucinèrent l’imagination complaisante des princes par des transitions rapides de la terreur à l’enthousiasme. La science fantasmagorique, peu connue alors, servit d’auxiliaire à ces séductions. À la mort de Frédéric II, son successeur se soumit à ces épreuves et fut subjugué par ces prestiges. Les rois conspiraient contre les trônes. Les princes de Gotha donnèrent asile à Weisshaupt. Auguste de Saxe, le prince Ferdinand de Brunswick, le prince de Neuwied, les coadjuteurs, tous les souverains même des électorats ecclésiastiques des bords du Rhin, ceux de Mayence et de Cologne, l’évêque de Constance, se signalèrent par leur ardeur pour les doctrines mystérieuses de la franc-maçonnerie ou de l’illuminisme. Cagliostro étonnait Strasbourg. Le cardinal de Rohan se ruinait et s’avilissait à sa voix. Comme à la chute des grands empires, comme au berceau des grandes choses, des signes apparaissaient partout. Le plus infaillible était l’ébranlement général des imaginations. Quand une foi s’écroule, tout l’homme tremble.

Les grands génies de l’Allemagne et de l’Italie chantaient déjà l’ère nouvelle dans leurs vers aux enfants de la Germanie. Gœthe, le poëte sceptique, Schiller, le poëte