Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui-même, à Brunswick, par le major Bielfeld. L’empereur Joseph II, ce souverain novateur plus hardi que son temps, avait voulu aussi subir ces épreuves à Vienne sous la direction du baron de Born, chef des francs-maçons d’Autriche. Ces sociétés, qui n’avaient aucune portée politique en Angleterre, parce que la liberté y conspirait tout haut dans le parlement et dans la presse, avaient un autre sens dans le continent. C’étaient les conciliabules occultes de la pensée indépendante ; la pensée, s’échappant des livres, passait à l’action. Entre les initiés et les institutions établies, la guerre était sourde, mais plus mortelle.

Les moteurs cachés de ces sociétés avaient évidemment pour but de créer un gouvernement de l’opinion du genre humain en opposition avec les gouvernements de préjugés. Ils voulaient réformer la société religieuse, politique et civile, en commençant par l’esprit des classes éclairées. Ces loges étaient les catacombes d’un culte nouveau. La secte des illuminés, fondée et dirigée par Weisshaupt, se propageait en Allemagne, en concurrence avec les francs-maçons et les rose-croix. Les théosophes créaient, de leur côté, les symboles de perfectionnement surnaturel, et enrôlaient toutes les âmes tendres et toutes les imaginations ardentes autour de dogmes pleins d’amour et d’infini. Les théosophes, les swedenborgiens, disciples du sublime mais obscur Swedenborg, ce saint Martin de l’Allemagne, prétendaient achever l’Évangile et transformer l’humanité en supprimant la mort et les sens. Tous ces dogmes se confondaient dans un égal mépris pour les institutions existantes, dans une même aspiration au renouvellement de l’esprit et des choses. Tous étaient démocratiques dans leur