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de la pensée y étaient inviolables ; c’était à la fois l’asile et l’arsenal des idées nouvelles. Un commerce actif et immense de librairie y spéculait sur le renversement des religions et des trônes. La consommation prodigieuse des livres défendus que ce commerce répandait dans le monde prouvait assez l’altération croissante des anciennes croyances dans l’esprit des peuples.


XI

En Allemagne, ce pays de la temporisation et de la patience, les esprits si lents en apparence participaient, avec une ardeur sérieuse et concentrée, au mouvement général de l’esprit européen. La pensée libre y prenait les formes d’une conspiration universelle. Elle s’enveloppait du mystère. L’Allemagne savante et formaliste aimait à donner à son insurrection même les apparences de la science et de la tradition. Les initiations égyptiennes, les évocations mystiques du moyen âge, était imitées par les adeptes des nouvelles idées. On pensait comme on conspire. La philosophie y marchait voilée de symboles. On ne lui déchirait ses bandeaux que dans des sociétés secrètes, dont les profanes étaient exclus. Les prestiges de l’imagination, si puissants sur la nature idéale et rêveuse de l’Allemagne, servaient d’amorce aux vérités nouvelles.

Le grand Frédéric avait fait de sa cour le centre de l’incrédulité religieuse. À l’abri de sa puissance toute mili-