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d’Amérique et sur la guerre des Indes donnait un intérêt plus saisissant aux orages du parlement anglais.

L’indépendance de l’Amérique, conquise par un peuple à peine né ; les maximes républicaines sur lesquelles ce nouveau continent fondait son gouvernement ; le prestige qui s’attachait à ces nouveaux noms que le lointain grandissait bien plus que leurs victoires, Washington, Franklin, La Fayette, ces héros de l’imagination publique ; ces rêves de simplicité antique, de mœurs primitives, de liberté à la fois héroïque et pastorale, que la vogue et l’illusion du moment transportaient de l’autre côté de l’Atlantique, tout contribuait à fasciner l’esprit du continent et à nourrir la pensée des peuples de mépris pour leurs propres institutions et de fanatisme pour une rénovation sociale.

La Hollande était l’atelier des novateurs : c’est là qu’à l’abri d’une complète tolérance de dogmes religieux, d’une liberté presque républicaine et d’une contrebande autorisée, tout ce qui ne pouvait pas se dire à Paris, en Italie, en Espagne, en Allemagne, allait se faire imprimer. Depuis Descartes, la philosophie indépendante avait choisi la Hollande pour asile. Bayle y avait popularisé le scepticisme ; c’était la terre inviolable de l’insurrection contre tous les abus du pouvoir : elle était devenue plus récemment le siége de la conspiration contre les rois. Tout ce qui avait une pensée suspecte à émettre, un trait à lancer, un nom à cacher, allait emprunter les presses de la Hollande. Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Helvétius, Mirabeau lui-même, étaient allés naturaliser leurs écrits dans ce pays de la publicité. Le masque de l’anonyme, que ces écrivains prenaient à Amsterdam, ne trompait personne, mais il couvrait leur sûreté. Tous les crimes