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dans l’intérieur de la France par les vallées des Alpes, et touchaient de l’autre côté aux murs de Gênes et aux possessions autrichiennes sur le Pô, était gouverné par la maison de Savoie, une des plus anciennes races royales de l’Europe. Cette monarchie toute militaire avait son camp retranché, plutôt que sa capitale, à Turin. Les plaines qu’elle occupait en Italie avaient été de tout temps et devaient être toujours le champ de bataille de l’Autriche et de la France. Ses positions étaient les clefs de l’Italie.

Cette population, accoutumée à la guerre, devait être sans cesse armée, pour se défendre elle-même ou pour s’unir comme auxiliaire à celle des deux puissances dont la rivalité assurait seule son indépendance. Son esprit militaire était sa force ; sa faiblesse était d’avoir la moitié de ses possessions en Italie, l’autre moitié en France. La Savoie tout entière est française par la langue, par la race, par les mœurs. À toutes les grandes secousses du monde, la Savoie devait se détacher de l’Italie et tomber d’elle-même de notre côté. Les Alpes sont une frontière trop nécessaire aux deux peuples pour appartenir à un seul. Si leur versant méridional est à l’Italie, leur versant septentrional est à la France. Les neiges, le soleil et les eaux ont décrit ce partage des Alpes entre les deux peuples. La politique ne prévaut ni longtemps ni impunément contre la nature. La maison de Savoie n’est pas assez puissante pour garder la neutralité des vallées des Alpes et des routes de l’Italie. Elle peut grandir en Italie, elle ne peut que se briser contre la France. La cour de Turin était alliée doublement à la maison de France par les mariages du comte d’Artois et du comte de Provence, frères de Louis XVI, avec deux princesses de Savoie. Cette cour était soumise, plus qu’au-