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La police était une confession secrète de tous contre tous. Ses cachots, appelés les plombs, et où l’on entrait, la nuit, par le pont des Soupirs, étaient un enfer qui ne se rouvrait plus. Les richesses de l’Orient avaient afflué à Venise au moment de la chute du Bas-Empire. Elle était devenue le refuge de la civilisation grecque et la Constantinople de l’Adriatique. Les arts en décadence y avaient émigré de Byzance avec le commerce. Ses palais merveilleux, lavés par les vagues, s’y étaient pressés sur un étroit territoire. C’était comme un vaisseau à l’ancre, sur lequel une population chassée du rivage se réfugie avec ses trésors. Elle semblait inattaquable, mais elle ne pouvait elle-même avoir aucune influence sur l’Italie.


VIII

Gênes, république plus populaire et plus orageuse, ne subsistait que par sa marine et son commerce. Renfermée entre des montagnes stériles et un golfe sans littoral, elle n’était plus qu’un port peuplé de matelots. Les palais de marbre, élevés en étage sur un rivage escarpé, regardaient tous la mer, son seul territoire. Les images des doges et la statue d’André Doria lui rappelaient sans cesse que sa fortune et sa gloire lui étaient venues des flots et qu’elle ne pouvait les chercher que là. Ses remparts étaient inattaquables ; ses arsenaux étaient pleins. C’était la citadelle du commerce armé.