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IV

L’Angleterre, humiliée dans son orgueil maritime par la rivalité brillante que les escadres françaises lui avaient faite dans les mers de l’Inde, irritée dans son sentiment national par les secours donnés par la France à l’indépendance de l’Amérique, venait de s’allier secrètement, en 1788, à la Prusse et à la Hollande, pour contre-balancer l’effet de l’alliance de la France avec l’Autriche, et pour intimider la Russie dans ses envahissements contre les Turcs. L’Angleterre, en ce moment, était tout entière dans le génie d’un seul homme : M. Pitt, le plus grand homme d’État de la fin du dernier siècle.

Fils de lord Chatham, le seul orateur politique que les temps modernes puissent égaler à Démosthène, s’il ne le surpassait pas, M. Pitt, né, pour ainsi dire, dans le conseil des rois et grandi à la tribune de son pays, était entré aux affaires à vingt-trois ans. À cet âge où l’homme se développe encore, il était déjà le plus grand de toute cette aristocratie qui lui confiait sa cause comme au plus digne. Il conquit presque enfant le gouvernement de son pays par l’admiration qu’excita son talent. Il le conserva presque sans interruption jusqu’à sa mort, par la portée de ses vues et par l’énergie de ses résolutions. Il montra contre la chambre des Communes elle-même ce qu’un grand homme d’État appuyé sur le sens vrai de sa nation peut oser et