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VIII

Ce fut le 5 août 1791, premier anniversaire de cette nuit fameuse du 4 août 1790, pendant laquelle s’écroula la féodalité, que l’Assemblée nationale commença la révision de la constitution. C’était un acte imposant et solennel que ce coup d’œil d’ensemble jeté par des législateurs au terme de leur carrière sur les ruines qu’ils venaient de semer dans leur route et sur les fondations qu’ils venaient de jeter. Mais combien différente était leur disposition d’esprit en ce moment de celle où ils étaient en commençant ce grand ouvrage ! ils l’avaient entrepris avec l’enthousiasme de l’idéal, ils le revoyaient avec les mécomptes et la tristesse de la réalité. L’Assemblée nationale s’était ouverte aux acclamations d’un peuple unanime dans ses espérances ; elle allait se fermer au bruit des récriminations de tous les partis. Le roi était captif, les princes émigrés, le clergé divisé et en schisme, la noblesse en fuite, le peuple en sédition. Necker s’était évanoui dans sa popularité. Mirabeau était mort, Maury était muet ; Cazalès, Lally, Mounier, avaient déserté leur œuvre. Deux ans avaient emporté plus d’hommes et plus de choses qu’une génération n’en emporte en temps ordinaire. Les grandes voix de 89, inspirées de philosophie et d’espérances, ne retentissaient plus sous ces voûtes. Les premiers rangs étaient tombés. Les hommes de second ordre allaient combattre à leur place. Intimidés, décou-