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éclaté. Le trône et l’autel avaient atteint leur apogée en France. Le duc d’Orléans, régent, gouvernait un interrègne. C’était un vice à la place d’un autre : la faiblesse au lieu de l’orgueil. Ce vice était doux et facile. La corruption se vengeait de l’austérité des dernières années, sous Tellier et madame de Maintenon. Voltaire, précoce par l’audace comme par le talent, commençait à jouer avec ces armes de la pensée dont il devait faire plus tard un si terrible usage. Le régent, qui ne se doutait pas du danger, le laissait faire, et ne réprimait que pour la forme quelques témérités d’esprit excessives, dont il riait en les punissant. L’incrédulité de cette époque naissait dans la débauche, au lieu de naître dans l’examen. L’indépendance de pensée était un libertinage des mœurs plus qu’une conclusion d’esprit. Il y avait du vice dans l’irréligion. Voltaire s’en ressentit toujours. Sa mission commença par le rire et par la souillure des choses saintes, qui ne doivent être touchées qu’avec respect, même quand on les attaque. De là la légèreté, l’ironie, trop souvent le cynisme, dans le cœur et sur les lèvres de l’apôtre de la raison. Son voyage en Angleterre donna de l’assurance à son incrédulité. Il n’avait connu en France que des libertins d’esprit, il crut trouver à Londres des philosophes. Il se passionna pour la raison, comme on se passionne pour une nouveauté ; il eut l’enthousiasme de la découverte. Dans une nature aussi active que la nature française, cet enthousiasme et cette haine ne restèrent pas spéculatifs comme dans une intelligence du Nord. À peine persuadé, il voulut persuader à son tour. Sa vie entière devint une action multiple tendue vers un seul but : l’abolition de la théocratie et l’établissement de la tolérance et de la liberté dans les cultes. Il travailla avec tous