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Tant que la mémoire de Voltaire n’était pas éteinte, il ne se sentait pas en sécurité. La tyrannie a besoin des préjugés, comme le mensonge a besoin des ténèbres. L’Église restaurée ne pouvait pas non plus laisser briller cette gloire ; elle avait le droit de condamner Voltaire, mais non de le nier.

Si l’on juge des hommes par ce qu’ils ont fait, Voltaire est incontestablement le plus puissant des écrivains de l’Europe moderne. Nul n’a produit, par la seule force du génie et par la seule persévérance de la volonté, une si grande commotion dans les esprits. Sa plume a soulevé tout un vieux monde et ébranlé plus que l’empire de Charlemagne, l’empire presque européen d’une religion. Son génie n’était pas la force, c’était la clarté. Dieu ne l’avait pas destiné à embraser les objets, mais à les éclairer. Partout où il entrait, il portait le jour. La raison, qui n’est que lumière, devait en faire d’abord son poëte, son apôtre après, son idole enfin.


VI

Voltaire était né plébéien dans une rue obscure du vieux Paris. Pendant que Louis XIV et Bossuet régnaient, dans les pompes du pouvoir absolu et du catholicisme, à Versailles, le Moïse de l’incrédulité grandissait inconnu tout près d’eux. Les secrets de la destinée semblent ainsi se jouer des hommes. On ne les soupçonne qu’après qu’ils ont