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assez que la Révolution se comprenait elle-même et qu’elle voulait être l’inauguration des deux grands principes représentés par ce cercueil : l’intelligence et la liberté ! C’était l’intelligence qui entrait en triomphatrice, sur les ruines des préjugés de naissance, dans la ville de Louis XIV. C’était la liberté qui prenait possession de la ville et du temple de sainte Geneviève. Les cercueils de deux âges allaient se combattre jusque dans les tombeaux. La philosophie, timide jusque-là, révélait sa dernière pensée : faire changer de grands hommes à la vénération du siècle.


V

Voltaire, ce génie sceptique de la France moderne, résumait admirablement en lui la double passion de ce peuple dans un pareil moment : la passion de détruire et le besoin d’innover, la haine des préjugés et l’amour de la lumière. Il devait être le drapeau de la destruction. Ce génie, non pas le plus haut, mais le plus vaste de la France, n’a encore été jugé que par ses fanatiques ou par ses ennemis. L’impiété déifiait jusqu’à ses vices, la superstition anathématisait jusqu’à ses qualités ; enfin le despotisme, quand il pesa sur la France, sentit qu’il fallait détrôner Voltaire de l’esprit national, pour y réinstaller la tyrannie. Napoléon paya, pendant quinze ans, des écrivains et des journaux chargés de dégrader, de salir et de nier le génie de Voltaire. Il haïssait ce nom, comme la force hait l’intelligence.