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vint faire cortége au char qui portait Voltaire au Panthéon. Ce char était traîné par douze chevaux blancs, attelés sur quatre de front ; les rênes de ces chevaux, aux crinières tressées d’or et de fleurs, étaient tenues par des hommes vêtus du costume antique, comme dans les médailles des triomphateurs. Ce char portait un lit funèbre sur lequel on voyait, étendue et couronnée, l’image du philosophe. L’Assemblée nationale, le département, la municipalité, les corps constitués, la magistrature et l’armée, entouraient, précédaient ou suivaient le sarcophage. Les boulevards, les rues, les places publiques, les fenêtres, les toits des maisons, les branches même des arbres ruisselaient de peuple. Tous les regards se portaient sur ce char. La pensée nouvelle sentait que c’était sa victoire qui passait et que la philosophie restait maîtresse du champ de bataille.

Malgré l’appareil profane et théâtral de cette pompe, on lisait sur les physionomies le recueillement de l’idée et la joie intérieure d’un triomphe intellectuel. De nombreux détachements de cavalerie ouvraient la marche. Ils semblaient mettre désormais les armes mêmes au service de l’intelligence. Les tambours venaient ensuite, voilés de crêpes et battant des charges funèbres, auxquelles se mêlaient les salves d’artillerie des canons qui roulaient derrière eux. Les élèves des colléges de Paris, les sociétés patriotiques, les bataillons de la garde nationale, les ouvriers d’imprimerie, les ouvriers employés à la démolition de la Bastille, portant, les uns, une presse ambulante, qui frappait en marchant des hommages à la mémoire de Voltaire ; les autres, les chaînes, les carcans, les verrous et les boulets trouvés dans les cachets ou dans les arsenaux