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VIII

Il y a des époques dans l’histoire du genre humain où les branches desséchées tombent de l’arbre de l’humanité, et où les institutions vieillies et épuisées s’affaissent sur elles-mêmes pour laisser place à une séve et à des institutions qui renouvellent les peuples en rajeunissant les idées. L’antiquité est pleine de ces transformations dont on entrevoit seulement les traces dans les monuments et dans l’histoire. Chacune de ces catastrophes d’idées entraîne avec elle un vieux monde dans sa chute, et donne son nom à une nouvelle civilisation. L’Orient, la Chine, l’Égypte, la Grèce, Rome, ont vu ces ruines et ces renaissances. L’Occident les a éprouvées quand la théocratie druidique fit place aux dieux et au gouvernement des Romains. Byzance, Rome et l’Empire les opérerent rapidement et comme instinctivement eux-mêmes, quand, lassés et rougissant du polythéisme, ils se levèrent à la voix de Constantin contre leurs dieux, et balayèrent, comme un vent de colère, ces cultes, ces idées et ces temples que la populace habitait encore, mais d’où la partie supérieure de la pensée humaine s’était déjà retirée. La civilisation de Constantin et de Charlemagne vieillissait à son tour, et les croyances qui portaient depuis dix-huit siècles les autels et les trônes, s’affaiblissant dans les esprits, menaçaient le monde religieux et le monde politique d’un écroulement qui laisse ra-