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n’avoue pas, il s’y était lié avec le rédacteur du Courrier de l’Europe, journal français imprimé en Angleterre, et dont la hardiesse inquiétait la cour des Tuileries. Il se mit aux gages de Swinton, propriétaire de cette feuille, et la rédigea dans un sens favorable aux vues de Vergennes. Il connut chez Swinton quelques libellistes, dont l’un était Morande. Ces écrivains rejetés de la société deviennent souvent des scélérats de plume. Ils vivent à la fois des scandales du vice et des salaires de l’espionnage. Leur contact souilla Brissot. Il fut ou parut quelquefois leur complice. Des taches honteuses restèrent sur sa vie, et furent cruellement ravivées par ses ennemis quand il eut besoin de faire appel à l’estime publique.

Rentré en France aux premiers symptômes de la Révolution, il en avait épié les phases successives avec l’ambition d’un homme impatient et avec l’indécision d’un homme qui flaire le vent. Il s’était trompé plusieurs fois. Il s’était compromis par son dévouement trop pressé à certains hommes qui avaient paru un moment résumer en eux la puissance, à La Fayette surtout. Rédacteur du Patriote français, il avait quelquefois aventuré les idées révolutionnaires, et flatté l’avenir en allant plus vite que le pas même des factions. Il avait mérité d’être désavoué par Robespierre.

« Tandis que je me contentais, moi, disait de lui Robespierre, de défendre les principes de la liberté, sans entamer aucune autre question étrangère, que faisiez-vous, Brissot, et vous, Condorcet ? Connus jusque-là par votre grande modération et par vos relations avec La Fayette, longtemps sectateurs du club aristocratique de 89, vous fîtes tout à coup retentir le mot de république. Vous ré-