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répulsion et une violente attraction entre les deux doctrines. Elles se reconnaissaient en se combattant, et aspiraient à se reconnaître plus complétement quand la lutte aurait cessé par le triomphe de la liberté.

Trois choses étaient donc évidentes pour les esprits réfléchis dès le mois d’avril 1791 : l’une, que le mouvement révolutionnaire commencé marcherait de conséquence en conséquence à la restauration complète de tous les droits en souffrance dans l’humanité, depuis ceux des peuples devant leurs gouvernements, jusqu’à ceux du citoyen devant les castes, et du prolétaire devant les citoyens ; poursuivrait la tyrannie, le privilége, l’inégalité, l’égoïsme, non-seulement sur le trône, mais dans la loi civile, dans l’administration, dans la distribution légale de la propriété, dans les conditions de l’industrie, du travail, de la famille, et dans tous les rapports de l’homme avec l’homme et de l’homme avec la femme ; la seconde, que ce mouvement philosophique et social de démocratie chercherait sa forme naturelle dans une forme de gouvernement analogue à son principe et à sa nature, c’est-à-dire expressive de la souveraineté du peuple : république à une ou à plusieurs têtes ; la troisième, enfin, que l’émancipation sociale et politique entraînerait avec elle une émancipation intellectuelle et religieuse de l’esprit humain ; que la liberté de penser, de parler et d’agir ne s’arrêterait pas devant la liberté de croire ; que l’idée de Dieu, confinée dans les sanctuaires, en sortirait pour rayonner, dans chaque conscience libre, de la lumière de la liberté même ; que cette lumière, révélation pour les uns, raison pour les autres, ferait éclater de plus en plus la vérité et la justice, qui découlent de Dieu sur la terre.