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geance future du peuple. Ils ne se retirèrent qu’en les emportant. Les colonnes de la garde nationale, et la cavalerie surtout, poursuivirent les fuyards jusque dans les champs voisins de l’École militaire ; ils firent quelques centaines de prisonniers. Du côté de la garde nationale, personne ne périt ; du côté du peuple, le nombre des victimes est resté inconnu. Les uns l’atténuèrent pour diminuer l’odieux d’une exécution sans lutte, les autres le grossirent pour grandir le ressentiment du peuple. On balaya, pendant la nuit, qui tombait déjà, les cadavres ; la Seine les roula vers l’Océan. On se divisa sur la nature, sur les détails de cette exécution : les uns l’appelèrent un crime, les autres un devoir sévère ; mais le nom du peuple est resté à cette journée, où l’on tua sans combattre : il continua à l’appeler le massacre du Champ de Mars.


XV

La garde nationale, ralliée par M. de La Fayette, rentra victorieuse, mais triste, dans l’enceinte de Paris. On voyait à son attitude qu’elle marchait entre la gloire et la honte, peu sûre elle-même de ce qu’elle avait fait. Au milieu de quelques acclamations qui l’accueillaient sur son passage, elle entendait des imprécations à demi-voix. Les mots d’assassinat et de vengeance répondaient aux mots de civisme et de dévouement à la loi. Elle passa morne et silencieuse sous les murs de cette Assemblée nationale qu’elle