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M. de La Fayette lui-même, qui guidait ces premiers détachements, avait été atteint par quelques pierres lancées du sein de la foule. On répandait même le bruit qu’un homme, en habit de garde national, avait tiré sur lui un coup de pistolet ; que cet homme, arrêté par l’escorte du général et amené à ses pieds, avait été généreusement pardonné et relâché par lui : ce bruit populaire jeta un intérêt héroïque sur M. de La Fayette et anima d’une nouvelle ardeur la garde nationale, qui lui était dévouée. À ce récit, Bailly n’hésita pas à proclamer la loi martiale et à déployer le drapeau rouge, dernière raison contre la sédition. De leur côté, les séditieux, alarmés par l’aspect du drapeau rouge flottant aux fenêtres de l’hôtel de ville, avaient envoyé douze d’entre eux en députation vers la municipalité. Ces commissaires parviennent à la salle d’audience, à travers une forêt de baïonnettes. Ils demandent qu’on délivre et qu’on leur rende trois citoyens arrêtés. On ne les écoute pas. Le parti de combattre était pris. Le maire et le corps municipal descendent, en proférant des mots menaçants, les degrés de l’hôtel de ville. Cette place était couverte de gardes nationaux et de bourgeoisie. À l’aspect de Bailly précédé du drapeau rouge, un cri d’enthousiasme part de tous les rangs. Les gardes nationaux élèvent spontanément leurs armes et font résonner les crosses de leurs fusils sur le pavé. La force publique, électrisée par l’indignation contre les clubs, était dans un de ces frémissements nerveux qui saisissent les corps comme les individus… L’esprit public était tendu. Le coup pouvait partir de lui-même.

La Fayette, Bailly, le corps municipal, se mirent en marche, précédés du drapeau rouge et suivis de dix mille hommes de gardes nationales ; les bataillons soldés des gre-