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vaux extraordinaires. Ils y allèrent un moment, et les désertèrent bien vite à l’attrait du tumulte grossi par les cris de la faim.

La foule se portait de l’hôtel de ville aux Jacobins, des Jacobins à l’Assemblée nationale, demandant la déchéance et la République. Cette foule n’avait d’autre chef que l’inquiétude qui l’agitait. Un instinct spontané et unanime lui disait que l’Assemblée manquait l’heure des grandes résolutions. Elle voulait la forcer à la ressaisir. Sa volonté était d’autant plus puissante qu’elle était anonyme. Aucun chef ne lui donnait une impulsion visible. Elle marchait d’elle-même, elle parlait elle-même, elle écrivait elle-même dans la rue, sur la borne, ses pétitions menaçantes. La première que le peuple présenta à l’Assemblée, le 14, et qu’il escorta de quatre mille pétitionnaires, était signée : Le peuple. Le 14 juillet et le 6 octobre lui avaient appris son nom. L’Assemblée, ferme et impassible, passa simplement à l’ordre du jour.

En sortant de l’Assemblée, la foule se porta au Champ de Mars. Elle signa en plus grand nombre une seconde pétition en termes plus impératifs : « Mandataires d’un peuple libre, détruirez-vous l’ouvrage que nous avons fait ? Remplacerez-vous la liberté par le règne de la tyrannie ? S’il en était ainsi, sachez que le peuple français, qui a conquis ses droits, ne veut plus les perdre. » En quittant le Champ de Mars, le peuple s’ameuta autour des Tuileries, de l’Assemblée, du Palais-Royal. De son propre mouvement, il fit fermer les théâtres et proclama la suspension des plaisirs publics, jusqu’à ce qu’on lui eût fait justice. Le soir, quatre mille personnes se portèrent aux Jacobins comme pour reconnaître, dans les agitateurs qui s’y rassemblaient, la véri-