Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les Annales patriotiques. Fréron, dans l’Orateur du peuple, rivalisait avec Marat. Fauchet, dans la Bouche de fer, élevait la démocratie à la hauteur d’une philosophie religieuse. Enfin, Laclos, officier d’artillerie, auteur d’un roman obscène et confident du duc d’Orléans, rédigeait le Journal des Jacobins et soufflait sur la France entière l’incendie d’idées et de paroles dont le foyer était dans les clubs.

Tous ces hommes s’efforçaient de pousser le peuple au delà des limites que Barnave posait à l’événement du 21 juin. Ils voulaient que l’on profitât de l’instant où le trône était vide pour le faire disparaître de la constitution. Ils couvraient le roi de mépris et d’injures pour qu’on n’osât pas replacer au sommet des institutions un prince qu’on aurait avili. Ils demandaient interrogatoire, jugement, déchéance, abdication, emprisonnement ; ils espéraient dégrader à jamais la royauté en dégradant le roi. La République entrevoyait pour la première fois son heure. Elle tremblait de la laisser échapper. Toutes ces mains à la fois poussaient les esprits vers un mouvement décisif. Les articles provoquaient les motions, les motions les pétitions, les pétitions les émeutes. L’autel de la patrie, au Champ de Mars, resté debout pour une nouvelle fédération, était le lieu qu’on désignait d’avance aux assemblées du peuple. C’était le mont Aventin où il devait se retirer, pour dominer de là un sénat timide et corrompu.

« Plus de roi, soyons républicains, écrivait Brissot dans le Patriote. Tel est le cri du Palais-Royal. Cela ne gagne pas assez : on dirait que c’est un blasphème. Cette répugnance pour prendre le nom d’un état où l’on est est bien extraordinaire aux yeux du philosophe ! — Point de roi !