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qui s’éteignait souvent dans le sifflement de la corde de la lanterne ou dans le coup de hache de la guillotine. Camille Desmoulins était l’enfant cruel de la Révolution. Marat en était la rage ; il avait les soubresauts de la brute dans la pensée et les grincements dans le style. Son journal, l’Ami du Peuple, suait le sang à chaque ligne.


VIII

Marat était né en Suisse. Écrivain sans talent, savant sans nom, passionné pour la gloire sans avoir reçu de la société ni de la nature les moyens de s’illustrer, il se vengeait de tout ce qui était grand, non-seulement sur la société, mais sur la nature. Le génie ne lui était pas moins odieux que l’aristocratie. Il le poursuivait comme un ennemi partout où il voyait s’élever ou briller quelque chose. Il aurait voulu niveler la création. L’égalité était sa fureur, parce que la supériorité était son martyre. Il aimait la Révolution, parce qu’elle abaissait tout jusqu’à sa portée ; il l’aimait jusqu’au sang, parce que le sang lavait l’injure de sa longue obscurité. Il s’était fait le dénonciateur en titre du peuple ; il savait que la délation est la flatterie de tout ce qui tremble. Le peuple tremblait toujours. Véritable prophète de la démagogie inspiré par la démence, il donnait ses rêves de la nuit pour les conspirations du jour. Séide du peuple, il l’intéressait par le dévouement à ses intérêts. Il affectait le mystère comme tous les oracles. Il