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le moment de leur dire : Comment voulez-vous une république dans une nation pareille ? Comment ne craignez-vous pas que cette même mobilité du peuple qui se manifeste aujourd’hui par la haine ne se manifestât un autre jour par l’enthousiasme envers un grand homme ? Enthousiasme plus dangereux encore que la haine ; car la nation française, vous le savez, sait mieux aimer qu’elle ne sait haïr. Je ne crains pas l’attaque des nations étrangères ni des émigrés, je l’ai dit ; mais je dis aujourd’hui avec autant de vérité que je crains la continuation des inquiétudes, des agitations qui ne cesseront de nous travailler, tant que la Révolution ne sera pas totalement et paisiblement terminée. On ne peut nous faire aucun mal au dehors ; mais on nous fait un grand mal au dedans, quand on nous inquiète par des pensées funestes, quand des dangers chimériques créés autour de nous donnent au milieu du peuple quelque consistance et quelque crédit aux hommes qui s’en servent pour l’agiter continuellement ; on nous fait un grand mal quand on perpétue ce mouvement révolutionnaire qui a détruit tout ce qui était à détruire, et qui nous a conduits au point où il faut enfin nous arrêter. Si la Révolution fait un pas de plus, elle ne peut le faire sans danger. Dans la ligne de la liberté, le premier acte qui pourrait suivre serait l’anéantissement de la royauté ; dans la ligne de l’égalité, le premier acte qui pourrait suivre serait l’attentat à la propriété. On ne fait pas des révolutions avec des maximes métaphysiques ; il faut une proie réelle à offrir à la multitude qu’on égare. Il est donc temps de terminer la Révolution. Elle doit s’arrêter au moment où la nation est libre et où tous les Français sont égaux. Si elle continue dans les troubles, elle est déshonorée et nous