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sion. J’ai reconnu dans ce voyage que l’opinion publique était décidée en faveur de la constitution. Aussitôt que j’ai connu la volonté générale, je n’ai point hésité, comme je n’ai jamais hésité à faire le sacrifice de ce qui m’est personnel pour le bonheur commun. »

« Le roi, ajouta la reine dans sa déclaration, désirant partir avec ses enfants, je déclare que rien dans la nature n’aurait pu m’empêcher de le suivre. J’ai assez prouvé depuis deux ans, dans de pénibles circonstances, que je ne le quitterai jamais. »

Non contente de cette inquisition sur les motifs et les circonstances de la fuite du roi, l’opinion irritée demandait qu’on portât la main de la nation jusque sur la volonté paternelle, et que l’Assemblée nommât un gouverneur au Dauphin. Quatre-vingt-douze noms presque tous obscurs sortirent du scrutin ouvert à cet effet. Ils furent accueillis par la risée générale. On ajourna cet outrage au roi et au père. Le gouverneur nommé plus tard par Louis XVI, M. de Fleurieu, n’entra jamais en fonction. Plus tard le gouverneur de l’héritier d’un empire fut le geôlier d’une prison de malfaiteurs.

Le marquis de Bouillé adressa, de Luxembourg, une lettre menaçante à l’Assemblée pour détourner du roi la colère publique, et prendre sur lui seul l’inspiration et l’exécution du départ du roi. « S’il tombe un cheveu de la tête de Louis XVI, disait-il, il ne restera pas pierre sur pierre à Paris. Je connais les chemins. Je guiderai les armées étrangères… » Le rire répondit à ces paroles. L’Assemblée était assez sage pour n’avoir pas besoin des conseils de M. de Bouillé, et assez forte pour mépriser les menaces d’un proscrit.