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tions couvrirent ces entrevues. Le roi et la reine attendaient quelquefois, des heures entières, le jeune orateur dans une petite pièce de l’entre-sol du palais, la main posée sur la serrure, afin d’ouvrir dès qu’on entendrait ses pas ; Quand ces entrevues étaient impossibles, Barnave écrivait à la reine. Il présumait beaucoup des forces de son parti dans l’Assemblée, parce qu’il mesurait la puissance des opinions aux talents qui les expriment. La reine en doutait. « Rassurez-vous, madame, écrivait Barnave ; il est vrai que notre drapeau est déchiré, mais on y lit encore le mot constitution. Ce mot retrouvera sa force et son prestige, si le roi s’y rallie sincèrement. Les amis de cette constitution, revenus de leurs erreurs, peuvent encore la relever et la raffermir. Les Jacobins effrayent la raison publique ; les émigrés menacent la nationalité. Ne craignez pas les Jacobins ; ne vous confiez pas aux émigrés. Jetez-vous dans le parti national qui existe encore. Henri IV n’est-il pas monté sur le trône d’une nation catholique à la tête d’un parti protestant ? » La reine suivait de bonne foi ces conseils tardifs, et concertait avec Barnave toutes ses démarches et toutes ses correspondances avec l’étranger. Elle ne voulait rien faire et rien dire qui contrariât les plans qu’il avait conçus pour la restauration du pouvoir royal. « Un sentiment de légitime orgueil, disait la reine en parlant de lui, sentiment que je ne saurais blâmer dans un jeune homme de talent né dans les rangs obscurs du tiers état, lui a fait désirer une révolution qui lui aplanît la route de la gloire et de la puissance. Mais son cœur est loyal, et si jamais la puissance revient en nos mains, le pardon de Barnave est d’avance écrit dans nos cœurs. » Madame Élisabeth partageait cet attrait de la reine et du roi pour Barnave. Toujours