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IV

De magnifiques apparences jetèrent le voile d’un deuil universel sur les sentiments secrets que sa mort inspira aux divers partis. Pendant que les cloches sonnaient les glas funèbres, que le canon retentissait de minute en minute, et que, dans une cérémonie qui avait réuni deux cent mille spectateurs, on faisait à un citoyen les funérailles d’un roi ; pendant que le Panthéon, où on le portait, semblait à peine un monument digne d’une telle cendre, que se passait-il dans le fond des cœurs ?

Le roi, qui tenait l’éloquence de Mirabeau à sa solde ; la reine, avec qui il avait eu des conférences, le regrettaient peut-être comme un dernier instrument de salut : toutefois, il leur inspirait moins de confiance que de terreur ; et l’humiliation du secours demandé par la couronne à un sujet devait se sentir soulagée devant cette puissance de destruction qui tombait d’elle-même avant le trône. La cour était vengée par la mort des affronts qu’il lui avait fait subir. L’aristocratie irritée aimait mieux sa chute que ses services. Il n’était pour la noblesse qu’un apostat de son ordre. La dernière honte pour elle était d’être relevée un jour par celui qui l’avait abaissée. L’Assemblée nationale était lasse de sa supériorité. Le duc d’Orléans sentait qu’un mot de cet homme éclairerait et foudroierait des ambitions prématurées. M. de La Fayette, le héros de la