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bronze et de marbre, monuments honteux de sa servitude et de son idolâtrie ? » On arrachait aux marchands les images du roi : les uns les brisaient, les autres leur plaçaient seulement un bandeau sur les yeux, en signe de l’aveuglement imputé au prince. On effaçait de toutes les enseignes les mots de roi, reine, Bourbon. Le Palais-Royal perdait son nom et s’appelait le Palais d’Orléans. Les clubs, convoqués à la hâte, retentissaient de motions frénétiques. Celui des Cordeliers décrétait que l’Assemblée nationale avait voué la France à l’esclavage en proclamant l’hérédité de la couronne. Il demandait que le nom de roi fût à jamais supprimé et que le royaume fût constitué en république ; Danton lui soufflait son audace et Marat sa démence. Les bruits les plus étranges s’accréditaient et se détruisaient les uns les autres. Selon les uns, le roi avait pris la route de Metz ; selon d’autres, la famille royale s’était sauvée par un égout. Camille Desmoulins excitait la gaieté du peuple, comme la forme la plus insultante de son mépris. On affichait sur les murs des Tuileries des promesses d’une récompense modique pour ceux qui ramèneraient les animaux malfaisants ou immondes qui s’en étaient échappés. On faisait en plein vent, dans le jardin, des motions extravagantes. « Peuple, disaient des orateurs montés sur des chaises, il serait malheureux que ce roi perfide nous fût ramené ; qu’en ferions-nous ? Il viendrait comme Thersite nous verser ces larmes grasses dont nous parle Homère, et nous serions attendris. S’il revient, je fais la motion qu’il soit exposé pendant trois jours à la risée publique, le mouchoir rouge sur la tête ; qu’on le conduise ensuite, d’étape en étape, jusqu’à la frontière ; et qu’arrivé là, on le chasse à coups de pieds hors du royaume. » Fréron faisait vendre ses feuilles du jour dans