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marchais, son style et son rôle ; ces grands plaidoyers sur des questions de guerre, de balance européenne, de finances ; ces mordantes invectives, ces duels de paroles avec les ministres ou les hommes populaires du moment, participent déjà du forum romain aux jours de Clodius et de Cicéron. C’est l’homme antique dans des controverses toutes modernes. On croit entendre les premiers rugissements de ces tumultes populaires qui vont éclater bientôt, et que sa voix est destinée à dominer. Aux premières élections d’Aix, rejeté avec mépris de la noblesse, il se précipite au peuple, bien sûr de faire pencher la balance partout où il jettera le poids de son audace et de son génie. Marseille dispute à Aix le grand plébéien. Ses deux élections, les discours qu’il y prononce, les adresses qu’il y rédige, l’énergie qu’il y déploie, occupent la France entière. Ses mots retentissants deviennent les proverbes de la Révolution. En se comparant dans ses phrases sonores aux hommes de l’antiquité, il se place lui-même, dans l’imagination du peuple, à la hauteur des rôles qu’il veut rappeler. On s’accoutume à le confondre avec les noms qu’il cite. Il fait un grand bruit pour préparer les esprits aux grandes commotions ; il s’annonce fièrement à la nation dans cette apostrophe sublime de son adresse aux Marseillais : « Quand le dernier des Gracques expira, il jeta de la poussière vers le ciel, et de cette poussière naquit Marius ! Marius, moins grand pour avoir exterminé les Cimbres que pour avoir abattu dans Rome l’aristocratie de la noblesse. »

Dès son entrée dans l’Assemblée nationale, il la remplit ; il y est lui seul le peuple entier. Ses gestes sont des ordres, ses motions sont des coups d’État. Il se met de niveau avec le trône. La noblesse se sent vaincue par cette