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lui, par nécessité, pendant la guerre. Proclamé prince des Serviens (1829), le peuple lui a juré fidélité à lui et à ses successeurs. Les Turcs, qui ont encore une part dans l’administration et dans les garnisons des forteresses, ont reconnu aussi le prince Milosch, et traitent directement avec lui ; il a constitué un sénat et des assemblées délibérantes de district, qui concourent à la discussion et à la décision des affaires générales ; le sénat est convoqué tous les ans ; les députés des villages se rassemblent aux environs de la demeure du prince ; ils tiennent, comme les hommes des temps héroïques, leurs assemblées délibérantes sous de grands arbres. Le prince descend du siége où il est placé, s’avance vers chacun des députés, l’interroge, écoute ses réponses, prend note de ses griefs ou de ses conseils, lui parle des affaires, lui explique avec bonté sa politique, se justifie des mesures qui ont pu paraître sévères ou abusives : tout se passe avec la familiarité noble et grave d’hommes des champs conversant avec leurs seigneurs. Ce sont des patriarches laboureurs et armés. L’idée de Dieu préside à leurs conseils comme à leurs combats : ils combattent, ils gouvernent pour leurs autels comme pour leurs forêts ; mais les prêtres bornent ici leur influence aux choses de la religion. L’influence principale est aux chefs militaires, à cette noblesse de sang qu’ils appellent les weyvodes. La domination sacerdotale ne commence jamais que lorsque l’état de guerre a cessé, et que le sol de la patrie appartient sans contestation au peuple. Jusque-là, la patrie honore avant tout ceux qui la défendaient, elle n’honore qu’après ceux qui la civilisent.

La population servienne s’élève maintenant à environ un