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» Le Gange, le premier, fleuve ivre de pavots,
» Où les songes sacrés roulent avec les flots,
» De mon être intangible en voulant palper l’ombre,
» De ma sainte unité multiplia le nombre,
» De ma métamorphose éblouit ses autels,
» Fit diverger l’encens sur mille dieux mortels ;
» De l’éléphant lui-même adorant les épaules,
» Lui fit porter sur rien le monde et ses deux pôles,
» Éleva ses tréteaux dans le temple indien,
» Transforma l’Éternel en vil comédien,
» Qui, changeant à sa voix de rôle et de figure,
» Jouait le Créateur devant sa créature !

» La Perse, rougissant de cet ignoble jeu,
» Avec plus de respect m’incarna dans le feu ;
» Pontife du soleil, le pieux Zoroastre
» Pour me faire éclater me revêtit d’un astre.

» Chacun me confondit avec son élément :
» La Chine astronomique avec le firmament ;
» L’Égypte moissonneuse avec la terre immonde
» Que le dieu-Nil arrose et le dieu-bœuf féconde ;
» La Grèce maritime avec l’onde ou l’éther
» Que gourmandait pour moi Neptune ou Jupiter,
» Et, se forgeant un ciel aussi vain qu’elle-même,
» Dans la Divinité ne vit qu’un grand poëme !

» Mais le temps soufflera sur ce qu’ils ont rêvé,
» Et sur ces sombres nuits mon astre s’est levé.