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Pour Cais, lorsqu’il rentra chez lui, il apprit de sa femme qu’Abou-Firacah était venu pour lui demander les chameaux. « Par la foi d’un Arabe ! dit-il, si j’avais été là, je l’aurais tué. Mais c’est une affaire finie ; laissons passer cela ainsi. » Cependant le roi Cais passa la nuit dans le chagrin et la tristesse jusqu’au lever du soleil, heure à laquelle il se rendait à sa tente. Antar vint le voir ; Cais se leva, puis l’ayant fait asseoir auprès de lui, il lui parla de Hadifah. « Croiriez-vous, lui dit-il, qu’il a eu l’impudence d’envoyer son fils me demander les chameaux ? Ah ! si j’eusse été présent, j’aurais tué ce messager. » Il finissait à peine de prononcer ces mots, quand Abou-Firacah se présenta à cheval devant lui. Sans descendre, sans faire ni salut ni avertissement, il dit : « Cais, mon père désire que vous lui envoyiez ce qui lui est dû ; en agissant ainsi, votre conduite sera celle d’un homme généreux : mais, dans le cas contraire, mon père s’élèvera contre vous, reprendra son bien par la force, et vous plongera dans l’affliction. »

En entendant ces mots, Cais sentit la lumière se changer en obscurité dans ses yeux : « Ô toi, fils d’un vil cornard, cria-t-il, comment se fait-il que tu n’es pas plus respectueux en m’adressant la parole ? » Il saisit une javeline, et la lança dans la poitrine d’Abou-Firacah. Percé de part en part, le jeune messager se laissa aller sur son coursier, d’où Antar le prit et le jeta à terre. Puis ayant tourné la tête du cheval du côté de Fazarah, il lui donna un coup de houssine dans le flanc. Le cheval prit le chemin de ses pâturages, et rentra enfin dans son étable tout couvert de sang. Aussitôt les bergers le conduisirent aux tentes, criant : Malheur ! malheur !