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cevoir aujourd’hui, et voici comment. Quand j’ai vu le combat engagé dans la plaine, j’ai pris un long détour en traversant le désert, et je suis arrivé à l’endroit où se trouvaient les prisonniers. J’ai vu le Rabek, son frère Héroné-Eben-el-Wuard, votre oncle Mallek, son fils, et les autres guerriers de notre tribu, liés en travers sur des chameaux : près d’eux étaient les femmes, et parmi elles Ablla, dont les beaux yeux versaient des torrents de larmes. Elle tendait les bras vers notre camp en s’écriant : — Ô Beni-Abess, n’est-il pas un de tes enfants qui vienne nous délivrer ? pas un qui puisse instruire Antar du triste état dans lequel je suis ? — Cent guerriers entouraient les captifs, comme une bague entoure le doigt. J’ai cependant tenté d’enlever Ablla, mais j’ai été reconnu et poursuivi. En fuyant je leur décochais des flèches. J’ai passé ainsi tout le jour, revenant sans cesse à la charge, et toujours poursuivi. Je leur ai tué plus de quinze cavaliers. — Mais vous voyez la triste position d’Ablla. » — Ce récit arracha des larmes à Antar, qui suffoquait de rage. Ayant fait un grand détour, ils arrivèrent enfin à leur destination.

Au point du jour, les deux armées, s’étant préparées au combat, n’attendaient pour en venir aux mains que les ordres des chefs, quand le bruit se répandit dans Beni-Abess qu’Antar avait disparu. Cette funeste nouvelle découragea les guerriers de Zohéir, qui se regardaient dès lors comme vaincus. Celui-ci allait faire demander une suspension d’armes pour attendre le retour d’Antar, lorsqu’on vit au loin s’élever une poussière épaisse qui augmentait en s’approchant. On finit par entendre des cris de désespoir et de souffrance. Cette troisième armée fixa l’attention des deux autres. Bientôt on