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ments. Nous nous embarquâmes sur un bâtiment chargé de blé ; une tempête affreuse nous jeta à Chio, où nous retrouvâmes la peste. M. de Bourville, consul de France, nous procura un logement où nous restâmes enfermés deux mois. Ayant perdu presque tous nos effets dans la tempête, et ne pouvant communiquer au dehors à cause de la contagion, nous nous trouvâmes sans vêtements, exposés à de grandes privations.

Enfin les communications se rouvrirent. M. Lascaris ayant reçu une lettre du consul général de Smyrne, qui l’invitait à aller conférer avec les généraux Lallemand et Savary, se décida à s’y rendre, et me permit d’aller passer quelque temps auprès de ma pauvre mère, que je n’avais pas vue depuis six ans.

Mes voyages n’ayant plus rien d’intéressant, je passe sur l’intervalle qui s’écoula depuis ma séparation d’avec M. Lascaris jusqu’à mon retour en Syrie, et j’arrive au triste dénoûment.

Étant à Latakieh auprès de ma mère, et attendant chaque jour qu’un bâtiment pût me transporter en Égypte, où M. Lascaris m’avait ordonné de le rejoindre, je vois arriver un brick de guerre français ; je cours chercher mes lettres, et j’apprends la désolante nouvelle de la mort de mon bienfaiteur, décédé au Caire. Rien ne peut donner une idée de mon désespoir ; j’avais pour M. Lascaris l’amour d’un fils, et je perdais d’ailleurs avec lui tout mon avenir. M. Drovetti, consul de France à Alexandrie, m’écrivait de me rendre le plus tôt possible auprès de lui : je fus quarante