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mêmes surpris par ce terrible fléau au milieu du désert, et d’avoir été ainsi préservés de cette mort affreuse.

Lorsque le temps nous permit de quitter le camp de Henadi, douze heures de marche nous ramenèrent à notre tribu, où j’embrassai Scheik-Ibrahim avec un véritable amour filial ; nous passâmes plusieurs jours à raconter nos aventures, et quand je fus parfaitement remis de mes fatigues, M. Lascaris me dit :

« Mon cher fils, nous n’avons plus rien à faire ici ; grâce à Dieu, tout est terminé, et mon entreprise a réussi au-delà même de mes espérances ; il faut aller maintenant rendre compte de notre mission. »

Nous quittâmes nos amis, avec l’espoir de les revoir bientôt à la tête de l’expédition à laquelle nous avions ouvert la route et aplani les voies. Passant par Damas, Alep et la Caramanie, nous arrivâmes à Constantinople au mois d’avril, après quatre-vingt-dix jours de marche, souvent à travers les neiges. Dans ce voyage fatigant, je perdis ma belle jument neggdié, cadeau d’Ebn-Sihoud, que je comptais vendre au moins trente mille piastres ; mais ce n’était qu’un avant-coureur des malheurs qui nous attendaient. La peste ravageait Constantinople ; le général Andréossy nous fit loger à Keghat-Keni, où nous passâmes trois mois en quarantaine. Ce fut pendant ce temps que nous apprîmes la funeste catastrophe de Moscou, et la retraite de l’armée française sur Paris. M. Lascaris était au désespoir, et ne savait quel parti prendre. Après deux mois d’incertitude, il se décida à retourner en Syrie attendre l’issue des événe-