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sans défense entre vos mains ; vous êtes au centre de votre puissance, vous pouvez nous broyer comme la cendre : mais sachez que, depuis la frontière de l’Inde jusqu’à la frontière du Neggde, dans la Perse, à Bassora, dans la Mésopotamie, le Hemad, les deux Syrie, la Galilée et le Horan, tout homme qui porte le caffié vous redemandera mon sang, et tirera vengeance de ma mort. Si vous êtes roi des Bédouins, comme vous le prétendez, comment vous abaissez-vous à la trahison ? C’est le vil métier des Turcs. La trahison n’est pas pour le fort, mais pour le faible ou le lâche. Vous qui vantez vos armées, et qui prétendez tenir votre puissance de Dieu même, si vous ne voulez pas ternir votre gloire, rendez-moi à mon pays et combattez-moi à force ouverte : car, en abusant de ma bonne foi, vous vous déshonorez, vous vous rendez l’objet du mépris de tous, et causerez la ruine de votre royaume. J’ai dit ; maintenant faites ce qu’il vous plaira ; vous vous en repentirez un jour. Je ne suis qu’un sur mille ; ma mort ne diminuera pas ma tribu, n’éteindra pas la race des Chahllan. Mon fils Sahen me remplacera ; il reste pour conduire mes Bédouins et tirer vengeance de mon sang. Soyez donc averti, et que vos yeux s’ouvrent à la vérité. »

Pendant ce discours le roi jouait avec sa barbe, et se calmait peu à peu. Enfin, après un moment de silence :

« Allez en paix, dit-il ; il ne vous arrivera rien que de bien. »

Nous nous retirâmes alors, mais sans cesser d’être gardés à vue.