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Un sourire d’incrédulité accueillit sa harangue ; cependant quelques-uns plus courageux répondirent :

« — Dites toujours, nous vous obéirons.

» — Cette nuit, continua-t-il, il faut faire passer, sans bruit, vos tentes, vos femmes et vos enfants, de l’autre côté de l’Oronte. Que tout ait disparu avant le lever du soleil, sans que l’ennemi s’en aperçoive. Ensuite, n’ayant plus rien à ménager, nous tomberons sur lui en désespérés, et l’exterminerons ou périrons tous. Dieu sera pour nous, nous vaincrons. »

Tout fut exécuté ainsi qu’il l’avait dit, avec un ordre, une célérité et un silence incroyables. Le lendemain, il ne restait plus que les combattants. Le drayhy les partagea en quatre corps, ordonnant l’attaque du camp ennemi de quatre côtés à la fois. Ils se jetèrent sur leur proie comme des lions affamés. Ce choc, impétueux et simultané, eut tout le succès qu’on pouvait en attendre. La confusion et le désordre se mirent parmi les Wahabis, qui prirent la fuite, abandonnant femmes, enfants, tentes et bagages. Le drayhy, sans donner aux siens le temps de s’emparer du butin, les força de poursuivre les fuyards jusqu’à Palmyre, et ne les laissa reposer qu’après la dispersion totale de l’ennemi.

Dès que la victoire se fut déclarée pour nous, je partis avec Scheik-Ibrahim pour annoncer cette heureuse nouvelle à Hama ; mais personne ne voulut y croire, et peu s’en fallut qu’on ne nous traitât nous-mêmes de fuyards.