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la mêlée, enthousiasmés par son éloquence. J’avoue que je préférais entendre ces compliments à les recevoir ; car ils étaient presque toujours les avant-coureurs de la mort.

Je vis un jour un beau jeune homme, un de nos plus braves cavaliers, se présenter devant le haudag. « Arkié, dit-il, ô toi la plus belle parmi les belles, laisse-moi voir ton visage ; je vais combattre pour toi. » Arkié, se montrant, répondit : « Me voici, ô toi le plus vaillant ! Tu connais mon prix, c’est la tête d’Abdallah. » Le jeune homme brandit sa lance, pique son coursier, et s’élance au milieu des ennemis. En moins de deux heures il avait succombé, couvert de blessures.

« — Dieu vous conserve ! dis-je à Arkié ; le brave a été tué.

» — Il n’est pas le seul qui ne soit point revenu, » répondit-elle tristement.

Dans ce moment parut un guerrier cuirassé de la tête aux pieds ; ses bottes même étaient garnies d’acier, et son cheval couvert d’une cotte de mailles (les Wahabis comptaient vingt de ces guerriers parmi eux ; nous en avions douze). Il s’avança vers notre camp, appelant le drayhy en combat singulier. Cet usage est de toute antiquité chez les Bédouins : celui qui est ainsi défié ne peut, sous peine de déshonneur, refuser le combat. Le drayhy, entendant son nom, se préparait à répondre à l’appel ; mais ses parents se réunirent à nous pour l’en empêcher : sa vie était d’une trop haute importance pour la risquer ainsi ; sa mort aurait entraîné la ruine totale de notre cause, et la destruction des deux ar-