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rejoignîmes à El-Dauh. On échangea de part et d’autre quelques coups de fusil jusqu’à la tombée de la nuit, mais sans engager le combat sérieusement. J’eus le loisir d’apprécier l’avantage des mardouffs dans ces guerres du désert, où il faut porter l’approvisionnement de l’armée pour un temps souvent prolongé. Ces chameaux, montés par deux hommes, sont comme des forteresses ambulantes, pourvues de tout ce qui leur est nécessaire pour leur nourriture et leur défense. Une outre d’eau, un sac de farine, un sac de dattes sèches, une jarre de beurre de brebis, et les munitions de guerre, forment comme une tour carrée sur le dos de l’animal. Les hommes, commodément placés de chaque côté sur des siéges de cordages, n’ont besoin de recourir à personne. Lorsqu’ils ont faim, ils pétrissent un peu de farine avec du beurre, et la mangent ainsi sans la faire cuire ; quelques dattes et un peu d’eau complètent le repas de ces hommes sobres ; pour dormir ils ne quittent pas leur place, mais se renversent sur le chameau, ainsi que je l’ai déjà expliqué.

Le combat fut plus sérieux le lendemain ; nos Bédouins se battirent avec plus d’acharnement que leurs adversaires, parce qu’ils avaient derrière eux leurs femmes et leurs enfants, tandis que les Wahabis, loin de leur pays et ne cherchant que le pillage, étaient peu disposés à risquer leur vie lorsqu’il n’y avait rien à gagner. La nuit sépara les combattants ; mais à l’aube du jour la bataille recommença avec fureur ; enfin, sur le soir, la victoire se décida en notre faveur ; nous avions tué soixante des leurs, fait vingt-deux prisonniers, et pris quatorze belles juments et soixante chameaux. Le reste prit la fuite, et nous laissa maîtres du