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moi, j’ai fait mon plan de campagne. Je pars pour le Horan, afin de surveiller les démarches d’Ebn-Sihoud : lui seul est à craindre pour nous ; je reviendrai ensuite camper aux environs de Homs. »

Scheik-Ibrahim, n’ayant plus ni argent ni marchandises, se décida à m’envoyer immédiatement à Coriétain, d’où j’expédierais un messager à Alep pour y prendre un group de talaris. Je partis joyeusement, enchanté de revoir mes amis et de me reposer quelque temps parmi eux. Le premier jour de mon voyage se passa sans accident ; mais le lendemain, vers quatre heures, à un endroit nommé Cankoum, je tombai au milieu d’une tribu que je croyais amie, et qui se trouva être celle de Bargiass. Il n’était plus temps de reculer, et je me dirigeai vers la tente du scheik, précédé de mon nègre Fodda ; mais à peine eut-il mis pied à terre, qu’il fut massacré sous mes yeux, et je vis tous les glaives levés sur moi. Mon saisissement fut tel, que j’ignore ce qui suivit. Je me souviens seulement d’avoir crié : « Arrêtez ! je réclame la protection de la fille de Hédal, » et de m’être évanoui. Quand je rouvris les yeux, j’étais couché dans une tente, entouré d’une vingtaine de femmes qui s’efforçaient de me rappeler à la vie, en me faisant respirer du poil brûlé, du vinaigre et des oignons, pendant que d’autres m’inondaient d’eau, et introduisaient du beurre fondu entre mes lèvres sèches et contractées. Dès que j’eus repris connaissance, la femme de Bargiass me prit la main en me disant : « Ne craignez rien, Abdallah ; vous êtes chez la fille de Hédal ; personne n’a le droit de vous toucher. »

Peu après Bargiass s’étant présenté à l’entrée de la tente