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dirigeâmes du côté qu’il indiquait, et, en effet, bientôt après, nous aperçûmes une grande tribu, et nous reconnûmes le haudag qui nous avait servi de phare : c’était heureusement la tribu que nous cherchions.

Giassem nous reçut très-bien, et tâcha de nous faire oublier nos fatigues. Ayant terminé avec lui, il dicta une lettre pour le drayhy, dans laquelle il s’engageait à mettre ses hommes et ses biens à sa disposition, disant que l’alliance entre eux devait être des plus intimes, à cause de l’ancienneté de leur amitié. Je repartis muni de cette pièce importante, mais, d’un autre côté, très-préoccupé de la nouvelle qu’il me donna de l’arrivée d’une princesse, fille du roi d’Angleterre, en Syrie, où elle déployait un luxe royal, et où elle avait été reçue avec toutes sortes d’honneurs par les Turcs. Elle avait comblé de cadeaux magnifiques Mehanna-el-Fadel, et s’était fait escorter par lui à Palmyre, où elle avait répandu ses largesses avec profusion et s’était fait un parti formidable parmi les Bédouins, qui l’avaient proclamée reine[1]. Scheik-Ibrahim, à qui je communiquai cette nouvelle, en fut atterré, croyant y voir une intrigue pour ruiner nos projets.

Le drayhy, s’étant aperçu de notre préoccupation, nous rassura en disant qu’on sèmerait des sacs d’or depuis Hama jusqu’aux portes de l’Inde, sans pouvoir détacher aucune tribu amie, de l’alliance solennelle qu’elle avait contractée. — « La parole d’un Bédouin est sacrée, ajouta-t-il ; poursuivez votre projet, sans vous inquiéter de rien. Quant à

  1. Cette prétendue princesse n’était autre que lady Esther Stanhope.