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le pain et de traire les chamelles sans ralentir la caravane.

L’organisation de cette cuisine ambulante était assez curieuse. À des distances réglées se trouvaient des femmes qui s’en occupaient sans relâche : la première, montée sur un chameau chargé de blé, avait devant elle un moulin à bras. Le blé une fois moulu, elle passait la farine à sa voisine, occupée de la pétrir avec l’eau renfermée dans les outres suspendues aux flancs de son chameau. La pâte était passée à une troisième femme qui la faisait cuire, en forme de gaufres, sur un réchaud, avec du bois et de la paille. Ces gaufres étaient distribuées par elle à la division de guerriers qu’elle était chargée de nourrir, et qui venaient de minute en minute réclamer leur portion. D’autres femmes marchaient à côté des chamelles pour traire le lait dans des cadahs (vases de bois qui contiennent quatre litres). On se les passait de main en main pour étancher sa soif. Les chevaux mangeaient, en marchant, dans des sacs pendus à leur cou. Lorsqu’on voulait dormir, on se couchait tout du long sur son chameau, les pieds passés dans les besaces, crainte de tomber. La marche lente et cadencée des chameaux invite au sommeil comme le balancement d’un berceau, et jamais je n’ai mieux dormi que pendant ce voyage. La femme de l’émir Farest accoucha dans son haudag d’un fils, nommé Harma, d’après le lieu où nous passions lorsqu’il vint au monde ; c’est le point de jonction du Tigre et de l’Euphrate. Bientôt après nous rejoignîmes trois tribus : El-Harba, El-Suallemé et El-Abdellé. Nous avions sept mille tentes lorsque Dehass vint au-devant de nous. Ce secours imposant le rassura. Nous lui donnâmes un magni-