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L’enthousiasme de l’indépendance semblait étouffé sous tant de revers, et peut-être aussi sous trois années de paix et de dissensions intestines. Sa nationalité et sa gloire s’éclipsèrent à la fois ; et Kara-George lui-même, manquant à sa fortune et à sa patrie, soit qu’il prévît une catastrophe inévitable et voulût se conserver pour de meilleurs jours, soit qu’il fût au bout de son héroïsme et désirât sauver sa vie et ses trésors, passa sur le territoire autrichien avec son secrétaire Jainki et trois de ses confidents. Ainsi s’éclipsa à jamais ce héros de la Servie pour aller mourir dans une citadelle autrichienne, au lieu de trouver parmi les siens, et sur le sol de cette patrie qu’il avait réveillée le premier, une mort qui l’eût immortalisé ! En apprenant sa fuite, l’armée se débanda, et Smaderewo et Belgrade retombèrent au pouvoir des Turcs. La Servie devint un pachalik, et Soliman, son vainqueur, devint son maître et son pacha. Les sénateurs s’étaient enfuis ; un seul homme, presque enfant, le weyvode Milosch Obrenowitsch, resta fidèle à la cause désespérée de l’indépendance. Il souleva les districts du sud, et voulut occuper Osehiza ; mais, abandonné par ses troupes, il fut contraint d’accepter les propositions des Turcs. Soliman, à qui il fut présenté, l’accueillit avec distinction. Les Serviens, désarmés, furent employés à élever de leurs propres mains les fortifications qui devaient surveiller le pays. La tyrannie des spahis dépossédés se vengea, par une oppression plus insolente, de neuf ans d’exil, où la bravoure des Serviens les avait relégués. Cependant le caractère national se retrempait dans cette dure et honteuse servitude. Le feu de l’insurrection couvait. Milosch, qui observait d’un œil attentif le moment favorable, et qui ne le croyait pas venu, réprimait énergiquement lui-même