Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.

après cet exploit, nous allâmes camper sur la frontière du Horan.

Un jour, un mollah turc arriva chez le drayhy ; il avait le large turban vert qui distingue les descendants de Mahomet, une robe blanche traînante, les yeux noircis et la barbe énorme ; il portait plusieurs rangs de chapelets, et l’encrier en forme de poignard à la ceinture. Il était monté sur un âne, et tenait une flèche à la main ; il venait pour fanatiser les Bédouins, et exciter en eux un grand zèle pour la religion du Prophète, afin de les attacher à la cause des Turcs.

Les Bédouins ont une grande simplicité de caractère, et une franchise remarquable. Ils ne comprennent rien aux différences de religion, et ne souffrent pas volontiers qu’on leur en parle. Ils sont déistes, invoquent la protection de Dieu dans toutes les circonstances de la vie, et lui attribuent leurs succès ou leurs revers avec une humble soumission ; mais ils n’ont aucune cérémonie de culte obligatoire, et ne se prononcent pas entre les sectes d’Omar et d’Ali, qui divisent les Orientaux. Ils ne nous ont jamais demandé quelle était notre religion. Nous leur avons dit que nous étions chrétiens, et ils ont répondu : « Tous les hommes sont les créatures de Dieu, et sont égaux devant lui ; on ne doit pas s’informer quelle est la croyance des autres. » Cette discrétion de leur part convenait beaucoup mieux à nos projets que le fanatisme des Turcs ; aussi l’arrivée du mollah donna-t-elle quelque inquiétude à Scheik-Ibrahim, qui se rendit à la tente du drayhy, où il trouva la conférence déjà entamée, ou plutôt la prédication commencée, prédication