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Bagdad, le pacha, extrêmement irrité, mais n’osant se venger ouvertement, dissimula, selon la coutume des Turcs, et l’engagea, par de belles promesses, à venir à Bagdad. Le drayhy, franc et loyal, ne soupçonnant aucune trahison, se rendit chez le pacha avec sa suite ordinaire de dix hommes. Il fut aussitôt saisi, garrotté, jeté dans un cachot, et menacé d’avoir la tête coupée, s’il ne fournissait, pour sa rançon, mille bourses (un million de piastres), cinq mille moutons, vingt juments de race kahillan, et vingt dromadaires. Le drayhy, laissant son fils en otage, fut chercher cette énorme rançon ; et dès qu’il l’eut acquittée, il ne songea plus qu’à la vengeance. Les caravanes et les villages furent dépouillés ; bientôt Bagdad se trouva bloquée. Le pacha ayant rassemblé ses troupes, sortit avec une armée de trente mille hommes et quelques pièces de canon contre le drayhy, qui, fortifié par des tribus alliées, livra bataille pendant trois jours ; mais voyant qu’il ne remportait aucun avantage décisif, il se retira de nuit en silence, tourna l’armée du pacha, se plaçant entre elle et Bagdad, et l’attaqua à l’improviste sur plusieurs points à la fois. Surpris de nuit du côté qui se trouvait sans défense, la terreur s’empara du camp ennemi. La confusion se mit parmi les Osmanlis, et le drayhy en fit un grand carnage, restant maître d’un immense butin ; le pacha s’échappa seul avec peine, et s’enferma dans Bagdad. Cet exploit avait répandu un tel effroi parmi les habitants, que, même après la paix, son nom était demeuré un objet de crainte pour eux. Abdallah me raconta plusieurs autres faits d’armes du drayhy, et finit en me disant qu’il aimait la grandeur et les difficultés, et voulait soumettre tout à sa domination.