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drayhy, un ennemi subalterne travaillait dans l’ombre à renverser nos espérances et à nous perdre. Il y a dans chaque tribu un colporteur qui vend aux femmes des marchandises qu’il apporte de Damas. Celui de la tribu, nommé Absi, occupait, en outre, le poste d’écrivain du drayhy ; mais depuis notre arrivée il avait perdu à la fois son emploi et ses pratiques. Il nous prit naturellement dans une grande antipathie, et chercha tous les moyens possibles de nous calomnier auprès des Bédouins, en commençant par les femmes, auxquelles il persuadait que nous étions des magiciens, que nous voulions emmener les filles dans un pays lointain, et jeter un sort aux femmes, afin qu’elles n’eussent plus d’enfants ; qu’ainsi la race des Bédouins s’éteindrait, et que des conquérants francs viendraient prendre possession du pays.

Nous vîmes bientôt l’effet de ces calomnies, sans en connaître la cause. Les filles s’enfuyaient à notre approche ; les femmes nous disaient des injures ; les vieilles allaient jusqu’à nous menacer. Chez ces peuples ignorants et crédules, où les femmes ont un grand crédit, le péril devenait imminent. Enfin, nous découvrîmes les intrigues d’Absi, et en informâmes le drayhy, qui voulait le faire mettre à mort sur-le-champ. Nous eûmes beaucoup de peine à obtenir qu’il serait seulement renvoyé de la tribu ; ce qui ne fit au reste que lui donner occasion d’étendre sa malveillance. Un village, appelé Mohadan, jadis tributaire de Mehanna, l’était devenu du drayhy depuis ses victoires. Celui-ci ayant envoyé demander mille piastres qui lui étaient dues, les habitants, à l’instigation d’Absi, maltraitèrent le messager de l’émir, qui en tira vengeance en enlevant leurs trou-