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la jument, dans un chemin où il sait qu’il doit passer. Quand il est proche, il lui dit d’une voix éteinte : « Je suis un pauvre étranger ; depuis trois jours je n’ai pu bouger d’ici pour aller chercher de la nourriture ; je vais mourir ; secourez-moi : Dieu vous récompensera. »

Le Bédouin lui propose de le prendre sur son cheval et de le conduire chez lui ; mais le fourbe répond : « Je ne puis me lever, je n’en ai pas la force. » L’autre, plein de compassion, descend, approche sa jument, et le place dessus à grand’peine. Sitôt qu’il se sent en selle, Daher donne un coup d’étrier, et part en disant : « C’est moi, Daher, qui l’ai prise, et qui l’emmène. ».

Le maître de la jument lui crie d’écouter ; sûr de ne pouvoir être poursuivi, il se retourne et s’arrête un peu au loin, car Nabec était armé de sa lance. Celui-ci lui dit : « Tu as pris ma jument : puisqu’il plaît à Dieu, je te souhaite prospérité ; mais je te conjure de ne dire à personne comment tu l’as obtenue. — Eh, pourquoi ? répond Daher. — Parce qu’un autre pourrait être réellement malade, et rester sans secours. Tu serais cause que personne ne ferait plus un seul acte de charité, dans la crainte d’être dupé comme moi. »

Frappé de ces mots, Daher réfléchit un moment, descend du cheval, et le rend à son propriétaire en l’embrassant. Celui-ci le conduisit chez lui. Ils restèrent ensemble trois jours, et jurèrent fraternité.

Scheik-Ibrahim était enchanté de ces histoires, qui lui